La cellulose, les hémicelluloses, la lignine et la silice sont 4 principaux composants de la biomasse lignocellulosique dont on connait parfaitement la structure à l’exception de la lignine qui fut pendant bien longtemps une véritable énigme.
Il y a bien sur quelques molécules issues de métabolismes secondaires spécifiques à hauteur de quelques %, caractéristiques de la matière première considérée.
Un peu d’histoire montre que c’est le chimiste Anselme PAYEN, qui, s’intéressant à l’analyse du bois, mit en évidence en 1838 une substance qui se décomposait en unité glucose qu’il baptisa cellulose. L’année suivante donc en 1839, il constata la présence permanente d’une autre substance autour des fibres de cellulose qu’il qualifia de substance incrustante sans aller plus loin dans sa définition. Le terme de lignine apparut quelques années plus tard, en 1856, dans les travaux de Franz Ferdinand SCHULTZE, confirmant les observations et hypothèses de PAYEN.
Les hémicelluloses furent identifiées au début du XXème siècle comme étant les polysaccharides présents dans les plantes terrestres autre que la cellulose, l’amidon et les fructanes.
Il faut dire que la brutalité des extractions papetières, qui ont dominé le monde de la lignocellulose jusqu’à aujourd’hui, a une fâcheuse tendance à démolir la lignine et les hémicelluloses. La liqueur noire qui en résulte est lourdement concentrée en molécules organiques et minéraux dont l’incinération compliquée permet de récupérer seulement une part d’énergie et les produits chimiques utilisés.
L’existence de structures aromatiques dans la composition des lignines ne passionna pas ensuite outre mesure la communauté scientifique. Les liqueurs noires papetières, mélanges intimes de lignines et sucres dégradés et minéraux sodés et soufrés oxydées y furent bien sûr pour beaucoup par leur caractère bien peu engageant.
Il fallut attendre la fin de la deuxième guerre mondiale et les travaux de Bernard DAVIS pour que la voie biosynthétique dite de l’acide shikimique explique comment, via entre- autre, la phénylalanine, on passait du glucose aux trois alcools allyliques suivants qui constituent les monomères en distribution apparemment aléatoire des macromolécules de lignines.
FREUDENBERG et ALDER ont proposé en 1967 et 1977 des modèles de structure de lignine la présentant comme un polymère irrégulier, probablement tridimensionnel.
Ces arrangements de la structure polymère de la lignine ont fait débat jusqu’au début de ce siècle avec essentiellement des structures modélisées loin des réalités physiques. Cela a déroutée de très nombreux biologistes et biochimistes qui se sont intéressés aux processus de lignification des végétaux qui est pourtant de première importance dans la compréhension des processus biologiques régissant leur cycle de vie.
A la suite de mes travaux sur la séparation des principaux constituants de la lignocellulose dans les acides organiques faibles comme l’acide formique et l’acide acétique que je détaille dans les pages suivantes, j’ai eu l’opportunité avec mon collègue, le Professeur J.H. BANOUB de proposer pour la première fois en 2003 une structure de lignine sous la forme d’un ensemble d’oligomères réguliers, linéaires et de faible masses moléculaires qui fit sensation à l’époque.
L’absence de dégradation de la lignine naturelle a éliminé toute référence à une structure tri-dimensionnelle et les analyses poussées en spectrométrie de masse et RMN nous ont permis d’établir, sur des bases expérimentales solides, une formule générique de la lignine :
Du au procédé d’extraction, les estérifications partielles par les groupements acétyle et/ou formyle des groupes phénoliques et hydroxyméthyles que nous avons été les premiers à relever et quantifier sont de première importance par leur incidence sur la réactivité de la lignine.
Dans le cas de la Biolignine, le taux d’estérification dépend simplement des proportions d’acide acétique et d’acide formique présents dans le milieu lors du premier stade d’extraction comme nous le verrons par la suite.
La maîtrise structurale que nous avons à propos de la lignine extraite par mes technologies ouvre des voies de valorisation spectaculaires que je détaillerai plus tard.
Publications scientifiques sur la Lignine
- L 1 : Structural elucidation of the wheat straw lignin polymer by atmospheric pressure chemical ionization tandem mass spectrometry and matrix – assisted laser desorption/ ionization time-of-flight mass spectrometry; J.H. Banoub, M.Delmas, Journal of Mass Spectrometry, 2003, 38, 900-903.
- L 2 : Elucidation of the complex molecular structure of wheat ligninpolymer by atmospheric pressure photoionization quadrupole time-of-flight tandem mass spectrometry; J.H.Banoub, B.Benjelloun- Mlayah, F.Ziarelli, N.Joly, M.Delmas; Rapid Communications in Mass Spectrometry, 2007,21, 2867-2888.
- L 3 : Functionnality of wheat straw lignin extracted in organic media; G.H.Delmas, B.Benjelloun-Mlayah, Y.le Bigot, M.Delmas, Journal of Applied Polymer Science, 2011, 121, 491-501.
- L 4 : Biolignin based Epoxy resins; G.H.Delmas, B.Benjelloun-Mlayah, Y.le Bigot, M.Delmas, Journal of Applied Polymer Science, 2013, 127-3, 1863-1872.
- L 5 : Esterification of organosolv lignin under supercritical conditions; N.Cachet, S.Camy, B.Benjelloun-Mlayah, J.S.Condoret, M.Delmas, Industrial Crops and Products, 20014, 58, 287-297
- L 6 : A critique on the structural analysis of lignins and application of novel tandem mass spectrometric strategies to determine lignin sequencing; J.H.Banoub, G.H.Delmas, N.Joly, G.Mackensie, N.Cachet, B.Benjelloun-Mlayah, M.Delmas, Journal of Mass Spectrometry, 2015, 20, 5-48.
- L 7 : Organosolv wheat straw lignin as a phenol substitute for green phenolic resins; BioResources, 2016,11-3, 5797-5815.
- L 8 : Organic acid lignin-based polyurethane films: synthesis parameters optimization; L.LLoverra, B.Benjelloun-Mlayah, M.Delmas; BioResources, 2016,11-3,6320-6334.